Témoignage de Sixtine

Venir au Village Saint Joseph, pour Sixtine, c’était s’imposer trois renoncements : risquer la vie communautaire, quitter le travail, et surtout s’éloigner de ses deux derniers enfants, des jumeaux de 17 ans. Les trois grands sont mariés, et c’est même sa fille aînée qui lui a parlé à plusieurs reprises du Village Saint Joseph, voyant sa mère s’enfoncer de plus en plus dans la dépendance à l’alcool. L’échec des séjours en cure et tous les efforts vains pour s’en sortir l’ont enfin décidée. Il est vrai que la dépendance s’était installée peu à peu en même temps qu’une profonde dépression, suite à des événements familiaux difficiles. La grossesse des jumeaux a été un rude combat contre le corps médical. Après le miracle de la naissance de ses deux bébés en pleine forme, s’est installé paradoxalement un sentiment de culpabilité, agrémenté par la reprise rapide de son travail de bibliothécaire. Mais ce fut très vite un total épuisement : « J’ai perdu 20 kilos en deux ans ! », confie Sixtine. « J’étais vidée, c’est à ce moment que j’ai commencé à m’évader dans l’alcool, et là, c’est un cercle vicieux infernal : l’alcoolisme, c’est une coupure du monde, de la réalité, un suicide à petit feu, je me détestais et je m’infligeais moi-même cet esclavage. »

« Quand ma fille m’a parlé du Village Saint Joseph, j’ai regardé sur internet et découvert le témoignage de Katia et Nathanaël. Je sentais que cela pourrait m’aider, mais c’était impossible de faire le pas. Ça a duré des mois !  » Alors quel fut le déclic ? « Un signe incroyable ! raconte Sixtine. Alors que j’étais en Pèlerinage à Lisieux avec mon fils — j’ai une grande vénération pour sainte Thérèse — j’ai prié devant sa châsse pour qu’elle m’aide. En sortant de la chapelle, je me suis trouvée nez à nez avec Katia et Nathanaël qui entraient ! Je précise qu’à l’époque, je ne les avais jamais rencontrés, je ne connaissais que leur visage que j’avais vu dans des reportages. Le signe m’était donné. Je ne pouvais pas ne pas comprendre, c’était impossible, tellement incroyable, tellement clair ! J’ai encore repoussé un peu, mais ma décision était prise. Et je savais que j’avais besoin d’une guérison du corps et de l’âme ! »

L’arrivée à la Présence n’a pas été des plus paisibles. « À peine arrivée, il y a eu une énorme dispute entre deux frères. La vie en communauté est difficile, mais très riche, comme je m’y attendais. » Pour cette ancienne cheftaine scoute, d’une famille catholique pratiquante et nombreuse, les horaires, les activités et la discipline ne sont pas un problème, c’est une aide. Les journées passent vite, bien équilibrées. « Chapeau au quatuor ! », lance Sixtine, en évoquant le travail remarquable des deux jeunes couples référents. Par contre, renoncer à son indépendance, c’est autre chose. « J’essaie de me plier au maximum, et c’est bon pour l’humilité ! » Sixtine insiste : « C’est une guérison de l’âme que je suis venue chercher ici ; la guérison de la dépendance alcoolique passe d’abord par la guérison de l’âme : me pardonner à moi-même, renoncer à la culpabilité, m’abandonner à Dieu avec confiance, c’est d’abord pour cela que je suis ici. Et cela durera le temps nécessaire. »

Et dans les moments difficiles ? « Le signe de Lisieux est, et reste dans ma vie, celui de la tendresse infinie de Dieu. »