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Michel accueilli pendant plusieurs mois, témoigne

Les raisons de rejoindre un Village Saint Joseph sont nombreuses.

Etre à la rue, sortir de prison, addiction, situation familiale ou personnelle difficile, santé physique ou mentale fragile, irrégularité administrative, handicap, et j’en passe. Dans tous les cas, il s’agit d’être au banc de la société des hommes, comme un animal blessé ou affaibli qui n’arrive pas à suivre la meute, devenu incapable de participer à la vie collective et ne vit pas la sienne correctement. Sachant que les deux vont ensemble, même l’ermite apparemment caché dans sa montagne n’est pas solitaire, au fond, et dépend de quelqu’un.

Je m’appelle Michel et j’étais de ces inadaptés, et je dirais que je le suis encore. Bien que ma vie ait changé, je continue à me sentir proche de ceux qui sont dans les bas-côtés, d’où on voit parfois le monde avec plus de lucidité si on n’a pas laissé notre cœur s’endurcir par les souffrances et la solitude. Mon histoire a été assez compliquée, déracinée, dispersée, je suis tombé dans de nombreux pièges qui jonchent nos parcours. J’ai été touché par la drogue, les abus physiques et psychologiques, la violence du monde, une éducation défaillante, une famille éclatée, et mes propres défauts. Mais j’ai voulu croire que rien n’était perdu, qu’une issue lumineuse était toujours possible.

« il s’agit surtout d’apprendre à se laisser aimer et aimer en retour »

Un ami m’a conseillé de rejoindre un Village Saint Joseph alors que je me sentais démoli, je n’arrivais plus à grand-chose. Je n’avais pas de refuge familial, j’avais vécu des relations destructrices, je n’avais plus très envie de vivre. Je devais construire ma vie mais je n’y arrivais pas, j’étais quasiment à court de force, de confiance, de volonté, et aussi d’argent. Vu mon état, qui m’aurait embauché ? Loué un appartement ? Même mes proches s’écartaient de moi, le poids de ma détresse était trop lourd à porter pour eux. Il y avait pourtant la foi qui m’était venue depuis deux ans, mais j’étais submergé, paralysé, une simple prière me coûtait énormément.

Quand j’ai appris ce qu’était un Village Saint Joseph j’y croyais à peine, ça me semblait trop beau, je ne pensais pas qu’il puisse exister un endroit comme celui-là. Un endroit où on peut être accueilli dans cet état, où l’on nous propose de nous aider à porter le poids de notre misère et à nous remettre sur pied. Avec pour seules conditions de bien se tenir, de participer aux activités et de donner un peu d’argent en fonction de nos moyens. Alors j’ai fait le pari, étant au bord du gouffre je n’avais pas grand-chose à perdre.

Ça a été difficile, au début surtout. Il fallait s’adapter au rythme, m’extirper de ma torpeur pour participer à la vie communautaire. Il a quelque chose du service militaire dans la démarche, mais ça porte ses fruits. Après quelques mois mes résistances sont tombées peu à peu et je me relevais, j’ai appris entre autres à cuisiner, à jardiner, à bricoler, je reprenais goût aux jeux, aux sorties.

On me confiait des responsabilités, je prenais mieux soin de moi, je retrouvais ma dignité perdue. Et j’ai surtout appris à vivre avec les autres, à accepter nos différences, avoir nos qualités. On a vécu de belles choses, avec quelques complications, mais il y a eu beaucoup de joie dans ce qu’on a partagé. Nous étions une famille soudée, j’étais étonné de constater à quel point on peut se rapprocher de personnes très différentes de nous quand on travaille à un même objectif : s’en sortir. Parce que le Village Saint Joseph lui-même doit s’en sortir et compte sur nous.

S’en sortir, mais pas n’importe comment. Au-delà du rythme à suivre, des démarches administratives et des autres aspects concrets de la réinsertion dans la société, il s’agit surtout d’apprendre à se laisser aimer et aimer en retour. On découvre au contact des autres que nos différentes blessures intérieures sont autant de facettes d’une seule grande et même blessure : le manque d’amour.

Les Villages Saint Joseph remettent les pendules à l’heure dans une société qui a perdu le sens du réel. Si l’amour n’est pas premier, tout dégringole. Je ne parle pas d’une compassion mièvre qui dit oui à tout pour ne jamais brusquer les sensibilités, et qu’on appelle amour. Non, je parle de l’amour vrai, sérieux, fraternel, qui prend la misère à bras le corps, certes avec patience et délicatesse mais aussi avec vigueur et fermeté.

« Après quelques mois mes résistances sont tombées peu à peu et je me relevais, j’ai appris entre autres à cuisiner, à jardiner, à bricoler, je reprenais goût aux jeux, aux sorties. »

À ceux qui sont en situation difficile et ne parviennent pas à vivre, ne savent plus quoi faire, je recommande l’expérience. Comme pour une plante qui se meurt, un Village Saint Joseph est une bonne terre, il fournit l’eau, le soin et le soleil, et donne un tuteur auquel s’accrocher pour pousser droit. Mais comme une plante – et c’est peut-être là le plus difficile – il faut accepter de se laisser soigner, de se laisser tailler parfois, et ça peut être douloureux. Mais si vous gardez confiance, vous en ressortirez renouvelé.

En ce qui me concerne, j’ai veillé à ne pas perdre ce que j’avais reçu. J’ai déménagé, j’ai demandé de l’aide à des amis, puis j’ai trouvé un travail et un appartement. Et j’ai vécu, en faisant attention à chaque pas pour ne pas tomber encore une fois. Pour ce qui est de la foi, aujourd’hui je la vis plus activement, c’est mon pilier. Ce qui m’a été donné au Village Saint Joseph a joué un grand rôle dans mon intégration dans l’Église, dès que j’ai déménagé j’ai approché la paroisse locale pour ne pas rester seul et pour continuer à vivre de cet amour en communauté. Si vous n’êtes pas chrétien, ce sera peut-être une association, des activités, un travail. En tout cas, ne restez pas seul et réunissez-vous avec d’autres personnes autour de quelque chose de bon, de simple, de sain. Et ne lâchez pas, à moins de trouver mieux.

Qu’on ait la foi ou pas, le Village Saint Joseph donne ce qu’il peut donner. Ce qui compte, c’est ce que vous soyez prêt à recevoir. Laissez-vous faire, comme le bois se laisse faire par l’artisan, comme un enfant se laisse éduquer et nourrir par ses parents. Accueillez les autres comme autant de frères et sœurs. Mais ça ne se fera pas du jour au lendemain. Et pas sans vous, pas sans un choix radical de vivre et de faire ce qu’il faut pour aller de l’avant, en commençant par des petites choses. Pour vivre il faudra de toutes façons faire ce choix, et le refaire chaque jour, à chaque instant.

Le Village Saint Joseph a pour vocation d’être un cadre pour vous soutenir et vous accompagner dans ce choix.

Rappelez-vous surtout – et j’en témoigne par ma propre vie qui aurait pu s’effondrer terriblement – qu’à partir du moment où vous faites ce choix, quelle que soit votre situation, Celui qui est au plus haut vous donnera ce dont vous avez besoin, en vous et à travers les autres. C’est certain.