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Témoignage de Benoit, accueilli
Publié le 04 juillet 2019
Il est arrivé au Village à 49 ans, après 3 épisodes de burnout, plusieurs hospitalisations pour accepter sa fragilité psychique… Il est reparti en 2015.
Venant d’une famille privilégiée, je n’avais pas manqué d’amour. Avec un bac +5 en école de commerce, ma carrière a pris un très bel essor en France et aux USA où j’ai vécu quelques années merveilleuses avec ma femme et mes 3 enfants.
Mais je voulais être toujours plus performant, pour que ma famille soit fière, pour lui offrir davantage de confort et de sécurité matérielle.
Je suis arrivé au Village à 49 ans, après 3 épisodes de burnout, plusieurs hospitalisations…
Et le remède miracle du Village : fraternité, travail, prière a fonctionné pour moi à merveille et en un temps record. Pendant les temps d’écoute, on m’a aidé à accepter un diagnostic de bipolarité, si difficile à accepter tellement il était honteux… Cette acceptation fut le départ de ma guérison.
Benoit raconte sa vie au Village…
Le premier jour Nathanaël m’amena dans mon foyer, Éphèse, et me présenta à Alain en me disant que c’était l’être le plus fragile du Village mais qu’il y avait toute sa place et qu’il fallait y être attentif.
Marie-José m’accueilli et me montra ma chambre ; sa douceur finit de m’apaiser. Je savais que mes jours d’errance étaient finis. J’avais un foyer, une sécurité.
Mais, surprise, le premier soir, je fus pris d’un véritable combat intérieur. Au lieu de rendre grâce, je me mis à me révolter. Je n’étais ni un délinquant, ni un addict ; pourquoi me retrouvais-je parmi tant de gens peu recommandables ? Ma seule faute n’avait-t-elle pas été que de m’être trop dépensé au travail pour ma famille ? Quelle injustice ! Moi qui n’abusais d’aucune substance… C’était une véritable injustice et humiliation de me retrouver en telle compagnie…
Et en fait, c’est cette révolte qui m’a permis de déclencher mon chemin de guérison.
Le remède miracle du Village : Fraternité, Travail, Prière a fonctionné pour moi à merveille et en un temps record.
Et je vais d’ailleurs vous décrire ce que je retiens des enseignements de ma vie au Village au travers de ces 3 prismes.
Il est difficile d’extraire des frères tant le groupe était uni, mais certaines rencontres m’ont particulièrement touchées.
1/ La fraternité
Frère Alain
À cette époque, tous les matins, les habitants du foyer d’Éphèse devaient faire le trajet à pied pour rejoindre la Chapelle sur le site de Kana, de l’autre côté du village de Plounévez-Quintin. Ce fut Alain qui fut mon premier compagnon de route et nous faisions ce chemin chaque jour pratiquement jusqu’à la fin du séjour. Alain, c’était censé être la personne la plus faible, à protéger ; et, au contraire, c’est lui qui me sortait de ma torpeur matinale et de mes ruminations d’intellectuel essayant de comprendre ce que je faisais là. Alain m’ancrait dans le réel, en me faisant remarquer les feuilles d’un arbre, un oiseau qui chantait sur une branche, le jardin d’un voisin dont il était admiratif ; il pointait du doigt le travail qui allait nous incomber dans la journée avant même que Nicolas ne donne ses instructions. En permanence durant la marche matinale, il m’éveillait à la vie et me révélait les merveilles de la nature que l’intellectuel que j’étais était incapable de remarquer.
Alain, mon frère, toi le plus frêle d’entre nous, c’est toi qui m’as redonné la sève de la vie. Tu es parti pour le ciel et je ne t’oublierai jamais. En repassant au Village, j’ai refait ce chemin que nous faisions ensemble et cette fois c’est moi qui ai essayé de te montrer que j’étais capable de discerner des bouts de nature en vie. Je te sentais sourire de là-haut : tu vois, j’ai été un bon élève !
Frère Fabrice
Catherine qui dirigeait Nazareth nous avait mis de corvées de nettoyage de frigo. J’avoue que le ménage n’a jamais été mon fort, tâches que je délaissais lâchement à ma femme prétextant être trop pris par « mon » travail. Mais j’ai eu de la chance car je suis tombé sur le champion du monde de nettoyage de frigo. Fort de tes formations d’hygiène dans ton précédent job, tu démontas le frigo en pièces détachées et te mis à récurer chacune au point que Catherine nous ordonna d’arrêter pour que le frigo soit remonté pour le repas. Il était effectivement immaculé.
Saches que cet épisode m’a été fort utile, un an plus tard, quand je m’étais retrouvé coincé à San Francisco pour des questions d’immigration et de carte verte. N’ayant pas prévu les dépenses pour une semaine de logement supplémentaire, je me suis mis à nettoyer la cuisine et le frigo de mes hôtes comme tu me l’avais appris. Mes hôtes émerveillés par une telle œuvre, m’autorisèrent à rester une semaine de plus en me laissant nettoyer la cuisine.
Comme quoi, les compétences apprises au Village Saint Joseph peuvent être bien utiles et je me suis dit, Fabrice, qu’on devrait monter une start-up à San Francisco pour nettoyer les cuisines des cadres trop occupés pour les tâches ménagères !
Frère Olivier
Olivier, nous assistions à la réunion hebdomadaire où chacun s’exprimait sur ses ressentis, les problèmes de la semaine passée et où nous préparions la semaine suivante. Étant encore dans un état dépressif, je me lamentais sur mon sort, me demandant comment tous les frères pouvaient supporter ma présence… À la fin de la séance, Olivier, tu es venu vers moi et tu m’as dit directement : « Mais moi, ta présence me fait du bien, je n’ai pas besoin d’autre chose de ta part ».
Je comprends l’intuition de Nathanaël d’élever la fraternité au rang de sacrement, car j’ai pu expérimenter à de nombreuses reprises comment des paroles guérissantes du Christ m’étaient transmises via mes frères. Et quelle richesse de savoir qu’il y a toujours une sœur ou un frère qui peut pallier à nos défaillances. Malheureux les riches : ils ne savent pas que la vraie richesse, ce sont les autres.
2/ Le Travail
Ce fut la partie la plus difficile pour moi car le seul outil de travail que je possédais, mon ordinateur, on me l’a confisqué à mon arrivée. Un vrai sevrage. Depuis l’âge de 22 ans, donc près de 30 ans, j’avais toujours utilisé un ordinateur, quotidiennement. Idem pour le téléphone portable.
Je me sentais comme le Don Salluste de Louis de Funès dans La Folie des Grandeur et où il est destitué par la reine : « Mais qu’est-ce que je vais devenir ? Je ne sais rien faire, je suis ministre ! ».
J’avais envie de crier : « Mais qu’est-ce que je vais devenir ? Je ne sais rien faire : je suis un intellectuel ». Avec beaucoup de vexations et de frustrations, j’essayais de m’intégrer aux ateliers manuels, mais avec des résultats calamiteux. Seul Alain trouvait la patience pour me montrer les bases du ratissage et du plantage. Même le plantage de graines était problématique car, distrait, j’écrasais juste ce que je venais de planter.
C’est alors que je reçu une de mes plus belles leçons de management : me retournant vers Nicolas, notre chef d’atelier jardin, je lui lançais : « Bon avec tous les dégâts que je cause, tu vas me virer et je le comprends bien ». Et, en gardant un calme olympien malgré les massacres auxquels il avait assisté, il me répondit calmement mais fermement : « Non, je ne vais pas te virer, au contraire, je vais te faire progresser ». Cela m’a cloué le bec et je me suis remis au travail. Quel respect de la personne ! Merci Nicolas pour cette leçon de management.
Tant bien que mal, j’acceptais que mon travail soit insignifiant mais heureux de le savoir utile à de petites choses.
3/ La spiritualité
De loin, la spiritualité est ce qui m’a changé en profondeur au Village. Et à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, j’ai découvert que ma foi d’intellectuel me cachait les véritables trésors des évangiles. À quoi bon, perdre du temps en thèse de théologie pour essayer de comprendre pourquoi dans un évangile le tombeau du Christ est à flanc de colline et dans un autre au milieu d’un champs.
Quelle importance vaine ! LA vraie foi m’a été révélé à la prière du matin où chacun laissait libre cours à ses inspirations pour commenter les lectures du jour. Et quelle richesse, quelle pureté, quelle force, de voir tous ces frères et sœurs de conditions et d’éducation différentes, s’unir dans un même chant de louange.
Et puis j’ai eu la grâce d’avoir des temps d’écoute individuels avec Nathanaël qui a réussi à me faire comprendre que mon problème n’était pas mes burnout à répétition, mais que la véritable cause était une faiblesse mentale, que beaucoup de psychiatre avaient qualifié de syndrome de bipolarité… Diagnostic que j’avais toujours refusé, tellement il était honteux, mais qui expliquait pourtant parfaitement mes excès de comportements qui me conduisaient à l’impasse implacablement. Grâce à la vie au Village et aux séances avec Nathanaël, j’ai appris non seulement à accepter cette faiblesse mais à la voir aussi comme un privilège par lequel Dieu me parlait directement.
« J’irai jusqu’à me glorifier de mes faiblesses, pour qu’habite en moi la force du Christ. […] Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12, 9-10).
Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi. C’est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ ; car, quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. »
Cette véritable révélation et acceptation fut le départ de ma guérison et j’ai appris à me servir de cette faiblesse comme une arme dans ma vie après le Village.
Je voulais aussi rendre hommage à Jean-Guy. Pour être franc, j’essayais de l’éviter les premières semaines de mon séjour, d’ailleurs il était en congés lors de mon arrivée, ce qui fut une bénédiction car je ne suis pas sûr qu’il m’aurait autorisé les dispenses que m’a accordé Nathanaël en voyant mon piteux état physique à l’arrivée.
Pourtant, Jean-Guy m’a rendu un grand service. Un dimanche matin, le seul jour où les accueillis sont autorisés à rester dans leur chambre, Jean-Guy est venu tambouriner à ma porte en me disant qu’il fallait que le suive absolument à une journée de prière et de louange à Guingamp. Devant son assistance, je me suis exécuté encore engourdi et grognant sur ma grasse matinée caduque. Et bien, cette retraite m’a donné des grâces extraordinaires, au point que je me suis mis à chanter et exulter de joie les jours qui ont suivi. Cela a définitivement préparé mon départ.
Un message pour tous les accueillis : si jamais Jean-Guy vous secoue d’une manière qui peut vous déplaire, sachez que c’est pour votre bien. Comme moi, vous en tirerez une immense grâce. Quand je pense au style d’éducateur de Jean-Guy, je pense à ce passage :
Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons ; il corrige tous ceux qu’il accueille comme ses fils. Ce que vous endurez est une leçon. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ? Quand on vient de recevoir une leçon, on n’éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse. Mais plus tard, quand on s’est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et de justice. (Lettre aux Hébreux 12, 4-7.11-15)
C’est tellement rare ce genre d’éducation, et courageux car c’est tellement facile de sombrer dans la facilité du « tout est bien. »