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Témoignage de Martine, accueillie

Quand la découverte de sa fragilité devient un tremplin pour changer de vie et choisir la Vie… Un témoignage sur une véritable transformation intérieure vécue lors de son passage au Village Saint Joseph, en 2012 et 2013.

Je ne rentrerai pas trop dans les détails de mes blessures pour ne pas choquer, pour ne pas trop jouer sur l’émotionnel… Par contre, la teneur de mon témoignage a pour objectif de vous partager une vérité fondamentale que j’ai pu découvrir ces dernières années.
Cette vérité fondamentale, c’est que la découverte et la reconnaissance de cette fragilité qui était là, au plus profond de moi, m’a permis de prendre contact avec mon essence véritable, mon humanité, de pouvoir faire un travail de pardon, et de renaître différente parce que pacifiée, unifiée et consciente de mon identité d’enfant de Dieu…
Ce passage par la fragilité a TOUT bouleversé dans ma vie : il a changé mes priorités, mes besoins, ma conception du bonheur. Mais, plus important que tout, il m’a permis de faire une véritable rencontre avec Dieu.

J’en reviens à mon histoire…

Au regard du monde, j’ai eu beaucoup de chance. Je viens d’une famille aisée, je suis née de parents qui s’aimaient et qui désiraient ma naissance ; j’ai été la seconde d’une fratrie de cinq enfants : ça fait tout plein de joie, tout plein de personnes qui m’aimaient et à aimer, tout de plein de disputes aussi et de réconciliations…
Nous habitions dans de magnifiques appartements, chaque enfant avait sa chambre, et quand on est cinq ça fait beaucoup de chambres !
Mes parents étaient catholiques pratiquants, nous ont transmis des valeurs, mais j’ai arrêté d’aller à la messe dès que je n’y étais plus obligée…
Quand j’ai grandi, j’ai fait des études : une école de commerce bien sûr parce que c’était ce que voulaient mes parents… Et moi, je ne savais pas trop… Mes parents me répétaient toujours que comme je ne savais pas obéir, fallait que je fasse un métier où ce soit moi le chef ! Et je me suis dit qu’ils devaient avoir raison, et un beau poste = un beau salaire = un bon statut social : tout ça me convenait très bien. 

Et une belle carrière s’est ouverte devant moi. J’avais de l’ambition, et je réussissais. Ce n’était pas une réussite insolente parce que je travaillais beaucoup, mais dès que j’en avais marre d’un poste, je décidais de changer, et plein de propositions s’offraient à moi : je n’avais qu’à choisir, et monter un peu le salaire…
Bref, je fais un peu vite, mais c’était vraiment ça quoi ! C’était comme ça que je me voyais et que je voyais ma réalité.

Et pourtant, y avait les jours où ça n’allait pas très fort… Ma vie privée, affective et amoureuse, ne me convenait pas, parce que j’allais d’échecs en échec. Mais c’était compensé par tout plein d’amis : j’étais très entourée.
Régulièrement, il y avait des coups de mou… Et là, je m’enfermais chez moi pour quelques jours, pour un week-end par exemple, et le lundi je retournais au boulot : dans la météo de mes sentiments, la pluie était passée et le beau temps était de retour. Tout allait bien.
Ces petites parenthèses étaient suffisantes parce que ma réussite professionnelle me comblait.

Et là, sans crier gare, est arrivé le jour du premier échec professionnel… Je n’y était pas du tout préparée, et c’est là que j’ai fait connaissance avec la dépression : j’avais 40 ans. À l’époque on ne parlait pas trop de burnout… Mais la réalité, c’est que j’étais écrasée par la culpabilité : j’étais face à mon premier échec professionnel, alors que j’avais fait tout ce que je pouvais pour sortir de l’impasse et sauver l’entreprise ! Et en plus, cerise sur le gâteau, 20 personnes perdaient leur emploi… C’était Hiroshima !
Pour passer le cap et ne pas me mettre en arrêt, j’ai eu recours aux antidépresseurs. Mais sans faire un travail sur moi : j’estimais que je n’étais pas quelqu’un de fragile ; c’était juste un mauvais cap.
Par contre, j’ai tiré une leçon de cet épisode : j’ai réalisé que j’avais mis tous mes œufs dans le même panier, et que le problème était que je n’avais pas de vie privée satisfaisante pour contrebalancer cet échec.

Alors j’ai fait des choix un peu radicaux, j’ai choisi la sobriété et une installation en maraichage biologique avec mon petit ami de l’époque : une grande aventure, exaltante, une vie qui change du tout au tout.
Sauf que la relation amoureuse est devenue un enfer et là, je perdais mon ami, ma maison, mon job, et ma dernière chance d’avoir un enfant (j’avais 43 ans).
Je savais que j’étais au bord du gouffre et je sentais les prémisses de la dépression nerveuse (que j’ai très bien reconnus). Le matin, je n’avais pas du tout envie de me lever, rien ne me faisait envie, plus aucune volonté…

Là, j’ai appelé à un numéro qu’on m’avait donné, pour aller prendre un temps de recul. On m’a dit que c’était plutôt un lieu pour les accidentés de la vie : et là, j’ai su que c’était le bon lieu pour moi, mon intuition me le disait clairement. Je suis venue pour passer une semaine et découvrir ce lieu, et j’y suis restée un peu plus de 2 ans.
Ce lieu respirait l’amour, la gentillesse, la bienveillance. Je me sentais aimée, pas jugée. J’étais ébahie qu’un tel lieu puisse exister, et sortant de l’enfer d’une relation toxique, j’étais encore plus subjuguée.
Et comme c’est un lieu de prière et d’accueil pour les personnes en souffrance, les temps spirituels m’ont façonné et permis de faire une véritable rencontre avec Dieu. De là, j’ai fait un énorme travail de guérison intérieure : j’ai déconstruit tous ces masques que je m’étais façonnée pour exister, j’ai visité mes blessures profondes. J’ai appris à sortir du déni quant au mal subit, à pleurer sur la petite fille qui n’avait pas su se défendre, à pardonner le mal qu’on m’avait fait, les abandons, les trahisons, les souillures. J’ai appris à me regarder, à me pardonner aussi le mal que j’avais fait parce que je ne m’identifiais plus à mon péché.
J’ai appris à mettre dans la lumière du Christ tant le mal subit que le mal fait. Et le chemin a commencé, et il dure depuis plus de 7 ans, et je crois qu’il se terminera avec ma vie ! 

Aujourd’hui, je voudrais pouvoir redonner ce que j’ai reçu. J’ai tellement reçu ! Et du coup, je me suis formée pour apprendre à accompagner d’autres personnes sur ce chemin de guérison intérieure, pour retrouver leur véritable essence, leur identité en Dieu. 
Pour conclure, je voudrais vous dire qu’aujourd’hui, je sais que mon bonheur dépend de ma relation à Dieu que je nourris chaque jour. J’ai choisi un boulot qui a du sens, à temps partiel. Ce travail demande des compétences de cadre mais j’accepte une faible rémunération parce qu’il aide des personnes fragiles à se remettre debout ; c’est un choix délibéré de vivre dans la sobriété. Ça me laisse du temps pour des actions de bénévolat qui me tiennent à cœur.
Et j’ai des amis autour de moi. Avant, je croyais que c’était les autres qui pourraient me rendre heureuse : aujourd’hui, je sais que c’est en rendant les autres heureux que je trouve la Joie, la vraie joie que rien ne peut détruire. Je ne perdrais jamais aucun des sourires que j’ai reçus, et aucun des sourires que j’ai donnés ne sera perdu.

En passant par la fragilité, j’ai pu découvrir qui je suis, ma véritable identité d’enfant de Dieu, j’ai pu rencontrer Dieu.
Je bénis aujourd’hui ce passage par la fragilité parce qu’il m’a révélé que je suis fragile, que je le resterai, et je ne dois plus être dure avec moi parce que ça me rendait dure avec les autres.
Grâce à la fragilité, j’ai pu faire un vrai choix de vie : celui d’entrer dans la gratitude, de chercher chaque jour à découvrir les merveilles que le Seigneur a déposé en chaque personne qu’il m’est donné de rencontrer, et celles qu’il a déposé en moi. Il y a tellement de grâces et de trésors en nous, et nous en voyons si peu !
En passant par la fragilité, ma vie est devenue une chasse au trésor : c’est une grande aventure. Dans ma prière de chaque jour, je demande à regarder le monde avec des yeux tout remplis d’amour !

Photo de Martine
Martine